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Retour sur le spectacle PRLMNT !

du 7 mai 2018 au 7 juin 2018

Découvrez la critique du spectacle PRLMT écrite par des étudiants de L1 de Droit à l'Université Toulouse 1 Capitole !

L'Espace Culturel propose toute l'année des places de théâtre à prix réduits pour la communauté de l'Université Toulouse 1 Capitole.
Parmi les pièces proposées cette année, il y a eu le premier épisode de PRLMNT – Parlement vidé de ses voyelles – dans lequel le metteur en scène Christophe Bergon et l’auteur Camille de Toledo imaginent un effondrement. Un délitement, une lente dérive, celle d’un parlement qui se vide. Un processus fictionnel, étrange miroir de la réalité, qui interroge notre capacité collective à saisir le tragique de cette dérive pour en dévier le cours. Le deuxième épisode est en cours d'écriture, sa sortie est prévue pour 2019 au TNT. "Save the date" et en attendant aprécions la plume des critiques en herbe !

Marion Garcia, Maddie Fraysse et Quentin Duhamel en première année de licence de Droit se sont prêtés au jeu de la critique le temps du spectacle, voici leur vision :
 

"Le PRLMT
Sans voyelles, le PRLMNT, comme privé de ce qui semble indispensable à nos yeux, nous mène dans une sombre dystopie dans les années 2030. À  la fois effrayante vision des institutions européennes dans un futur de plus en plus proche et constat implacable des dérives de l'homme, ses privilèges ou le lobbying, la pièce s'attarde à la retranscription matérielle et dimensionnelle de l'architecture européenne du Parlement.  Tout cela pour peut-être, nous faire prendre conscience de la fragilité de l'Union Européenne, de ses décisions et bien sûr, des acteurs qui la composent, qu'un hypothétique attentat, une immolation en plein Parlement, pourrait suffir à faire basculer l'Union vers le chaos. 

Nous contemplons une pièce menée en deux dimensions, temps et espace. Tels des flash-back, deux histoires se produisent simultanément entre les origines de la chute des Institutions et l'après-chute de ces derniers, se rejoignant alors d'une manière quasi-instinctive à quelques poignées de secondes de l'aboutissement de ce travail artistique, scénique, et on peut aussi le dire, intellectuel. Cet espace comme seul espoir se voit remplit de toutes les inquiétudes et disgrâces des institutions.
Il s'agit bien ici d'une oeuvre réfléchie. La structure narrative transporte le spectateur au fil du temps dans un songe. Tout d’abord dans un sombre rappel historique : toutes les puissances sont condamnées, aucune ne peut échapper au triste dessein que la nature humaine leur impose. Puis dans un présent, par le poids manifeste du pouvoir politique et économique, incarnés par un fonctionnaire européen et un lobbyiste américain. Mais également par l’union des langues qui animent cette pièce. Tout cela englobé dans une fiction politique anticipatrice fantasmée.
L’homme blanc est au centre de l’institution, au centre du monde, il est le coeur de la destruction par sa nature conquérante et dominatrice. Ces derniers sont alors ramenée à leur plus profonde nature par la régression dont il feront l'objet dans les rôle de singes dans une des scènes de la pièce ou est-ce plutôt une évocation de ce que serait le pouvoir qu'importe qui le contrôle ?
Si l'on reste sur la première supposition les hommes n’auraient donc pas évolué. Il serait dans leur nature de détruire, l’homme serait profondément égoïste. Freud évoquera à ce sujet la "pulsion de mort" mais Rousseau suppose plutôt l'existence d'une bonté enfouie en chacun des hommes, ces derniers seraient ensuite corrompus par la société toute entière, ce qui nous laisse un large champs de suppositions et qui pourrait alimenter des pages et des pages de réflexions sur le sujet.
Mais l'image de l'homme absolument mauvais est-elle une justification suffisante ? Par la Guerre est apparu une Union hybride, unique au monde reposant sur un principe d'intégration et non de réciprocité. Une destruction semble alors nécessaire pour qu’un renouveau surgisse des abysses. Et puis qu’apparemment dans le malheur subsiste toujours une amélioration, en suivant l'histoire du PRLMT, c'est ensuite par la tristesse, la pauvreté et la désolation de l'effondrement de l'Union qu'a pu renaître une toute nouvelle Europe.

Malheureusement, ce renouveau semble tout aussi condamné car la nouvelle Europe malgré ses nets progrès en terme de conscientisation écologique et animalière est toujours sujette à l'ostracisme, au rejet des hommes. Les femmes ayant pris le pouvoir jugeant les hommes inaptes, établissent une émancipation des sujets de la nature pour que les hommes ne puissent plus en abuser. On essaye toujours de juger, de trouver un coupable après l’instabilité. On reproche tout aux hommes mais peut-on leur reprocher d’avoir essayer de faire ? A l'inverse,leur nature excuse-elle tout ? Des questions qu'il faut manier avec prudence et dont les réponses semblent quasi-impossible à obtenir à l'unanimité.

L'homme devient alors dépassé par la machine institutionnelle. Le nouvel environnement qui semblait instaurer la nouvelle réforme demeure finalement identique à celui qui était auparavant en place. Et effectivement, comme l'a proposé le concepteur, scénographe et metteur en scène du PRLMT Christophe Bergon, comme pour annoncer cela, il semble que l'entièreté de la scène est recouvert d'un linceul blanc, d'une pureté dans l'effacement, et pour y mettre un terme des drapeaux noirs agités sous une lumière vacillante, comme pour des funérailles de l'idéal institutionnel des Humains ayant par deux fois échoués à leur mission de bien être des Humains (les hommes ayant perdu tout pouvoir important).

Bien sûr, on peut être surpris voire déçu par la simplicité de la liste des acteurs de cette pièce puisqu'elle ne comporte que trois noms présents physiquement et/ou vocalement sur scène : Manuela Agnesini, Jules Beckman et Marcelino Martin-Valiente, ces deux derniers étant également coauteurs de la fiction d'anticipation. Représentants respectivement la voix off, Edouard Bannon et Jose-Luis Savale. 
Néanmoins cette critique peut être atténué par la disparition de sa raison d'être dans le deuxième opus du PRLMNT puisqu'il semblerait que cette suite comportera alors six interprètes. Ce qui rendra probablement les situations plus riches qu'elles ne le sont déjà et donc la suite de la première pièce davantage prenante pour celles et ceux éprouvants des difficultés à ne se concentrer que sur deux personnages physiquement présents.
Une autre critique plus poussée peut être apportée : l'accusation faite aux hommes blancs et l'évocation de la femme grecque s'immolant en plein Parlement symbole des femmes sauveuses de l'humanité sont peut-être un peu trop "clichés" pour être parfaitement admissibles.

On peut bien sûr critiquer le fait que les hommes occupent encore aujourd'hui une grande majorités des postes politiques et économiques importants y compris dans les Institutions Européennes mais une telle vision manichéenne devrait être davantage nuancée dans ses propos afin d'offrir une vision plus sage et plus proche de la réalité. Les hommes blancs ne sont pas obligatoirement des monstres en puissances tout comme les femmes ne sont pas forcément des héroïnes dans l'âme. C'est d'ailleurs ce mécanisme manichéen qui a pu entraîner et a entraîné divers conflits mondiaux bien réels.
Il s'agit ici de la seule réelle critique à faire à cette pièce et elle ne porte que sur le fond et non la forme qui est excellente dans le ressenti que l'on peut en retirer.
 En parlant de personnages, Edouard Bannon le lobbyiste américain et Jose-Luis Savale, les éléments centraux de la pièce incarnent symboliquement les deux piliers destructeurs de l'Europe. Le pouvoir et la politique devenus l'entrave de l'Institution européenne et l'empêchant de rejoindre son idéal, le progrès social. Pourtant, ces deux dimensions nous sont indispensables afin d'organiser et de faire vivre notre société.
Partant de ce postulat, la pièce semble alors pleinement entrer dans un fatalisme étudié, introduit par le suicide d'une femme grecque au sein du Parlement Européen. Elle représente la fille aux beaux et grands yeux bleus d'Agénor, roi de Tyr dans la mythologie grec, c'est l'incarnation de la Déesse Europe. Ainsi elle est à la fois le commencement et la fin. Avec elle naît l’Europe. Avec elle meurt l’Union européenne. En tout cas, tel que nous la connaissons. Parce que oui, on peut également voir dans ce récit un optimisme réel. Pourquoi afficher nos travers actuels sinon par désir de les voir se corriger ensuite ?

PRLMT semble se vouloir comme un avertissement poignant envers l'avenir de l'Union. Entre tristesse, silences, craintes, rires, pleurs et même musique qui, bien que rudimentaire vous fera frissonner tant la pièce est ponctuée de moments enivrants, sont grisants pour nos petites cellules grises autant que pour nos oreilles.
Ici tout est mesure, temps, sens et sons. Après ce voyage fort en sensation et en surprises, vous n'en ressortirez pas sans une foule de questions et de réflexions prêts à écumer les pauvres esprits de votre entourage."

Si comme Marion Garcia, Maddie Fraysse et Quentin Duhamel, cet exercice vous intéresse, contactez-nous !

Mis à jour le 5 juillet 2019