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Hommage au professeur Marie-Bernadette Bruguière

du 28 janvier 2019 au 28 février 2019

Arsenal

Hommage du doyen Philippe Nelidoff à Madame Marie-Bernadette Bruguière, professeur à la Faculté

       

        In memoriam : le professeur Marie-Bernadette Bruguière (1944-2019)

      C’est un devoir sacré pour notre Faculté de droit et science politique de Toulouse que de rappeler la mémoire des professeurs qui nous quittent.

Nous inaugurons aujourd’hui cette rubrique avec un professeur dont la personnalité tranchante comme l’épée a marqué durablement notre Maison.

Formée dans notre Faculté, Marie-Bernadette Bruguière fut une étudiante très brillante, auteur d’une thèse remarquée, soutenue en 1968, dans les conditions que l’on imagine aisément, portant sur un sujet particulièrement ardu et qui suscite notre admiration: Littérature et droit en Gaule au Ve siècle, sous la direction du professeur Jean Dauvillier (publiée en 1974). Elle est agrégée en histoire du droit dès l’année suivante au concours présidé par le professeur Paul Ourliac, en même temps qu’un autre Toulousain : le professeur Jacques Poumarède. Elle n’a que vingt-cinq ans, âge auquel on songe plutôt à choisir son sujet de thèse. Après un rapide passage à Rouen, elle revient à Toulouse où elle accomplira toute sa carrière durant plus de trente ans, jusqu’à son départ à la retraite en 2004.

    Fidèle à la tradition d’érudition de l’Université française, le professeur Marie-Bernadette Bruguière était partisan de ne faire aucune concession aux modes et à l’évolution des pratiques. En matière d’enseignement, elle resta fidèle au cours d’histoire du droit de première année qui, pour les historiens du droit est le grand cours, le seul obligatoire, durant lequel le professeur fait passer l’essentiel de la matière. Elle publia d’ailleurs en 1983 avec les deux autres titulaires de ce cours, les professeurs Henri Gilles et Germain Sicard une Introduction à l’histoire des institutions françaises qui, en raison même de sa facture classique, reste une précieuse mine de connaissances. Elle conserva aussi, dans le prolongement naturel de sa thèse, le cours d’histoire des institutions de l’Antiquité ainsi que le cours d’histoire des idées politiques. En matière de recherches, comme le relève  la préface des Mélanges qui lui furent offerts en 2013, elle se consacra à trois thématiques principales : l’Antiquité avec, en particulier, la reprise et le prolongement de l’œuvre de son maître : Jean Dauvillier avec Le Nouveau Testament et les droits de l’Antiquité (2005), les institutions de l’Ancien Régime avec un élargissement des perspectives, une prédilection pour une histoire aux dimensions européennes et la mobilisation des recherches généalogiques portant sur les principales dynasties, enfin les relations entre l’opéra, le droit et la politique, thème le plus novateur retenu pour les Mélanges qui lui furent offerts par ses collègues en 2014.

    Dotée d’une très forte personnalité forgée dans les épreuves que la vie ne lui a pas épargnées et dans les combats qui furent les siens au sein de notre Faculté entre les années 1970 et le début du nouveau millénaire, Marie-Bernadette Bruguière ne laissait pas indifférent. Fidèle à ses maîtres, fidèle à ses enseignements, fidèle à des convictions arrêtées une fois pour toutes, fidèle en amitié comme en témoignent tous les messages que nous avons reçus, avec le professeur Olivier Devaux, président de notre section.

    Elle fut très active au sein de l’Association Française des Historiens des Idées Politiques dont elle était l’une des fondatrices avec notre collègue le professeur Michel Ganzin et toujours vice-présidente au moment de son décès. Elle participa à tous les colloques, toutes les journées d’études, toutes les réunions, avec une énergie débordante et une liberté de ton qui était sa marque de fabrique. C’est ainsi qu’elle organisa le colloque de Toulouse en 2001 sur le thème « Prendre le pouvoir : force et légitimité ». Avec mon épouse, nous eûmes l’occasion d’effectuer avec elle le tour du Cap corse et de faire un dîner mémorable, lors du colloque de Bastia en 2004, marqué également par un dîner mémorable. Au mois de mai dernier, elle intervenait encore sur le sujet : « Souveraineté et propriété sous les Habsbourg ». Elle tenait aux bonnes relations entre nos deux grandes Facultés, Toulouse et Aix, lien que nous devons continuer à cultiver.

    Depuis son départ à la retraite qu’elle ne voulut pas différer en 2004, à l’âge de soixante ans, le professeur Marie-Bernadette Bruguière voyagea beaucoup en Europe, comme cela a été souligné, avec émotion, lors des obsèques, par le doyen Boris Bernabé : opéras, expositions, visites de musées… Elle continuait à fréquenter notre Faculté. Son nom figure d’ailleurs toujours sur le bureau que nous partageons avec le professeur Christine Mengès-Le-Pape qui lui succéda et qui l’invita à participer aux colloques qu’elle organise à Montauban, avec une parfaite régularité. C’est dire que nous la considérions comme faisant toujours partie de notre petite communauté des historiens du droit. La musique classique n’a pas disparu, changeant simplement de bureau, pour rejoindre celui du professeur Philippe Delvit.

    Avec le professeur Marie-Bernadette Bruguière, on pourrait penser que c’est toute une conception classique de l’Université française qui s’en va. Sachons en garder, non pas la nostalgie ou seulement la mémoire mais les aspects positifs : haut niveau d’exigence, d’abord pour soi-même et ensuite pour les autres, maintien des traditions universitaires, liberté d’opinion, culture du débat, amour de notre métier, dévouement à l’institution et à nos étudiants…

    Au nom de notre Faculté, nous lui exprimons toute notre affection, et notre reconnaissance pour tout ce qu’elle nous a donné sans compter avec exigence, sincérité et générosité.

 

             Philippe Nélidoff, Doyen de la Faculté de droit et science politique


Mis à jour le 28 janvier 2019