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Critique Les nerfs à vif, Estelle Gorce

Crée le 22 mars 2024
« Les nerfs à vifs », Martin Scorsese 1991

Lorsqu’on souhaite enfouir un secret, Scorsese nous rappelle que le temps finira toujours par nous rattraper. En effet, « Les nerfs à vifs » met en lumière un ancien captif, Max Cady prêt à se vanger de son avocat, Sam Bowden, qui quatorze ans auparavant l’avait mal défendu.
Dés l’ouverture du film, Cady accroche le spectateur en le regardant droit dans les yeux. Sa façon de traverser la caméra n’est pas anodine. La trajectoire du film est claire, Cady n’a qu’un but : il veut faire payer Bowden et sera prêt à traverser tous les obstacles pour y parvenir. Bien que ce criminel soit au premier abord inquiétant, il ne cesse de se développer pour faire découvrir d’autres facettes de son personnage. Du moment qu’il quitte sa prison et enfile sa chemise hawaienne laissant disparaitre ses tatouages, il semble nouveau, du moins en apparence.
Son apparition à l’écran est toute aussi fracassante que son arrivée dans le New Essex, elle ne sera pas sans conséquence pour chaque personne qu’il rencontrera. Dans un premier temps, sa cible bien qu’avocat renomé, perd toute assurance lorsqu’il en vient à faire face à cette connaissance de longue date. Le charisme de Cady n’échape à personne et d’autant plus lorsqu’il s’agit de la gente féminine. La femme de Bowden est la première à ne pas être indifférente à la présence de Cady, et ce avant même de le rencontrer réellement. Je pense notamment à sa retouche de rouge à lèvres dans l’espoir surement d’être observée par Cady de l’autre côté de la fenêtre. La sensualité est un fil conducteur tout au long du film, ce qui est sans aucun doute une référence à son passif de criminel, ayant été condamné pour violence et agression sexuelle. Cady ne va cesser de roder autour des femmes de la vie de son avocat que ce soit par la suite en croquant la maitresse de celui-ci ou encore en embrassant sa fille de quinze ans. Les interactions de Cady avec ces protagonistes permettent de dessiner plus clairement la vie de Bowden, qui au prime abord dégage une apparence lice et sans problème.

Tout au long du film, en s’imissant dans la vie de sa cible, Max Cady déconstruit toute la conception clichée du rêve américain. Alors qu’une carrière, de l’argent et une famille présente ne manque pas, des failles restent toutefois présentes. En effet, Cady démasque de façon apparente les relations de Bowden que ce soit son adultère, ses conflits conjugaux ou encore le désintérêt qu’il porte pour sa fille. C’est alors au dénouement du film lorsque la tension est à son apogée, que Bowden réalise la chance qu’il disposait avant de croiser la route de Max Cady. C’est au moment que tout s’éffondre que l’essentiel apparait.

La finalité en enchainement en cascade d’évenements plus inquiétants les uns que les autres nous ramène à Cape Fear d’où le film tient son nom original. Le bateau dans lequel la famille Bowden se cache apparait alors comme une métaphore d’un foyer à la dérive. C’est
également à ce moment que Max Cady joue des facettes de sa personnalité qui peuvent faire passer des rires… aux sursots. En effet, quand les Bowden se retrouvent sous l’emprise complète de de leur agresseur, on découvre la soif profonde de justice dont Cady désire. Scorsese utilise l’art du « too much », bien que cela pourrait parraître trash, dont l’interprétation de De Niro fait doucement sourire.
Le suspens quant au destin de Cady et des Bowden reste à son comble jusqu’à la dernière séquence. Cady finit de nouveau par finir menotée par Bowden mais cette fois-ci matériellement. Son dernier regard rappelle alors la scène d’entrée : la mission n’a pas échouée, il entera Sam Bowden jusqu’à la fin de ses jours.

Estelle Gorce