Critique Pas de printemps pour Marnie, anonyme
Crée le 22 mars 2024
1964 la date de sortie du film « Pas de printemps pour Marnie ». Dans celui-ci Hitchcock tisse le portrait du traumatisme inconscient. Ce film est l’anatomie d’une fuite ; la fuite du traumatisme, la fuite de relations sociales stables, la fuite des hommes et surtout de l’amour. Marnie est dépeinte comme un spectre, animé uniquement lors de ses épisodes de vols ou avec son cheval. Mais toute fuite ne peut durer éternellement. L’entrée en scène du personnage de Mark Rutland marque le début d’un long chemin de croix pour Marnie, ses pas vont la guider vers la guérison. Mark joue le rôle du guide dans ce pèlerinage. Ce personnage n’est pas sans arrière-pensées quant à la relation qu’il désire avec Marnie. Il est pris d’une curiosité et d’un désir pour Marnie qui s’observent lors de plusieurs scènes. La scène du bureau où Marnie fait une crise à cause des éclairs, la scène de la voiture où il la compare à un animal qu’il veut étudier et la force à l’épouser… Ce personnage est déroutant pour le spectateur, on ne sait pas s’il s’agît d’un guide comme Virgile dans l’enfer qui souhaite le bien de Marnie ou s’il est guidé par ses désirs pour Marnie. Hitchcock tisse en définitive un véritable questionnement des relations sociales entre les hommes et les femmes à son époque, à plusieurs occasions il tourne même en ridicule les valeurs morales de l’époque ; comme dans cette scène ou Marnie accompagne Mark à la porte, celui-ci lui expliquant son rôle de « bonne maîtresse de maison ». Cet usage du sarcasme par Hitchcock donne une dimension féministe et moderne à « Pas de printemps pour Marnie ». Dans ce film, l’usage du langage est primordial, il suit les mensonges d’une Marnie qui fuit le traumatisme et ne sait plus mettre les mots sur ce qu’elle a vécu, mais aussi les relations humaines et toutes leurs richesses. Nombreux sont les sous-entendus dont font preuve les personnages pour ne pas dire ce qu’ils pensent. Ainsi Marnie n’est pas la seule à fuir la vérité. Les plans et les décors d’une majorité des scènes mettent en relief cette fuite, de la vérité et du langage. Le langage évolue il devient moins imprécis au long du film. Peu de personnages arrivent à perturber le spectateur comme le réussissent Marnie et Mark, nous voguons sur la mer de leurs pensées sans arriver toutefois à pénétrer réellement au coeur de celles-ci, si ce n’est un court instant où Marnie révèle son traumatisme. Ce court instant de plongé nécessite un océan de paroles et des vagues de douleurs. Quelle difficulté de comprendre ce qui nous anime. Les relations sociales effectuent rarement et avec difficulté cette plongée au coeur du non-dit et du secret. Cependant la vérité est vécue comme une libération pour Marnie à l’inverse de sa mère qui n’arrive pas à sortir du secret par elle-même. « Pas de printemps pour Marnie » vogue admirablement entre le dit et le non-dit, le conscient et l’inconscient ou encore la fuite et la stabilité.