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"La recherche au service de la transition écologique" : découvrez notre interview de Christel Cournil, professeure de droit public à Sciences Po Toulouse

le 6 novembre 2024

Professeure de droit public à Sciences Po Toulouse et membre du Laboratoire des Sciences Sociales du Politique (LASSP), Christel Cournil étudie les liens entre les droits de l’Homme et l’environnement, ainsi que la justice climatique. Au-delà de ses recherches, les enjeux de transition écologique occupent une place majeure dans ses activités d’enseignante.

• Quel parcours avez-vous suivi pour devenir professeure de droit à Sciences Po Toulouse ?

J’ai suivi un cursus classique de droit à l’Université Toulouse Capitole : j’y ai réalisé mes 5 années d’études en droit public et ma thèse de doctorat sur les questions migratoires, intitulée « Le statut interne de l’étranger et les normes supranationales » et supervisée par Jean-Pierre Théron. Après treize années comme maître de conférences à l’Université Paris 13, j’ai obtenu en 2019 un poste de professeure des universités à Sciences Po Toulouse.
 

• Comment est née votre vocation pour les questions environnementales ?

Lors d’un post-doctorat financé par une bourse du CNES, j’ai eu la chance de travailler en interdisciplinarité avec un géophysicien sur la gestion des ressources naturelles au Mali. Nous avons croisé des données satellites, les normes sociales et les normes juridiques du pays. Cette première expérience m’a sensibilisée aux enjeux environnementaux. Puis, j’ai intégré à Paris 13 le laboratoire de recherche IRIS, composé essentiellement de sociologues et d’anthropologues. J’ai pu étudier la question des migrations environnementales, mais aussi celles plus larges du droit des étrangers et du droit de l’environnement. En 2015, je me suis intéressée aux contentieux climatiques et j’ai notamment commenté une belle décision, « Urgenda », rendue aux Pays-Bas. Cette initiative a été déterminante dans ma carrière puisqu’elle m’a amené à rencontrer l’association Notre Affaire à Tous, dont je suis aujourd’hui membre et avec qui j’ai organisé le premier colloque international sur les contentieux climatiques. Par la suite, j’ai également coordonné un livre sur les grandes affaires climatiques et je travaille actuellement sur le sujet des victimes environnementales.
 

• Pouvez-vous nous parler de votre rôle de chargée de mission Transition écologique à Sciences Po Toulouse ?

Peu après le confinement, nous avons vu émerger une génération d’étudiants très engagés, issue du mouvement Pour un réveil écologique. Ces derniers ont proposé de créer un plan vert pour l’établissement. Le directeur de l’époque, Olivier Brossard, m’a alors nommée chargée de transition écologique. Concrètement, nous avons amorcé la transformation de l’offre de formation : un module de 80 heures dédié à la transition écologique, pluridisciplinaire et pluriannuel, est désormais proposé à nos étudiants. En termes de recherche, plusieurs mesures ont été prises : la réalisation d’un guide du chercheur engagé, l’adoption d’une charte et le calcul de l’empreinte carbone de nos laboratoires (LEREPS et LASSP) avec l’aide du collectif Labos 1point5. Sur le campus, d’autres actions ont été menées : mise en place du tri, formation à la sobriété énergétique, réflexion sur les transports, plan de transition et plan de sobriété… Nous organisons aussi chaque année la Rentrée du climat, un événement qui permet à toute la communauté de participer à des fresques du climat et de l’alimentation, à des ateliers 2tonnes et à des conférences.
 

• Vous êtes également directrice du Comité de la transition écologique de Sciences Po Toulouse. En quoi cela consiste ?

Je dirige en effet le Comité de la transition écologique de Sciences Po Toulouse, créé en 2020 et composé de 7 personnes. Grâce à l’impulsion d’étudiants, nous avons mis en place plusieurs projets : une bibliothèque partagée, une sortie avec un naturaliste, une semaine de l’écologie, une semaine de nettoyage numérique, un Prix du mémoire sur la Transition écologique… Certains étudiants ont également pu partir à la COP 26 pour assister aux négociations internationales. Leur investissement est gratifié par une bonification. Sur le plan de l’enseignement, j’ai pris en 2021 la co-direction d’un parcours interdisciplinaire, appelé TERS (Transition écologique, risques et santé). Un cours de droit climatique est notamment dispensé à ces étudiants, ainsi qu’une formation au bilan carbone.
 

• Quel intérêt trouvez-vous à enseigner le droit à des étudiants non juristes ?

C’est très stimulant d’enseigner le droit à des étudiants de Sciences Po. On ne forme pas des futurs juristes, on leur donne plutôt une vision plus panoramique, plus systémique, plus globale des enjeux juridiques et aussi plus critique. Ce sont les futurs acteurs publics, il y a un réel intérêt à les sensibiliser. Lors de mon précédent poste dans une faculté de médecine, je formais les futurs cadres hospitaliers. Mon projet a toujours été de travailler en interdisciplinarité.
 

• Quel est l’objectif de votre projet de recherche Proclimex, financé par l’ANR (2021-2026) ?

Visuel Proclimex
Visuel Proclimex
Dirigé par Sandrine Maljean-Dubois, ce projet interdisciplinaire s’intéresse à l’enjeu de l’expertise dans les procès climatiques. Pour faire valoir efficacement un point de vue déterminé au service de la cause climatique, les requérants n’ont d’autre choix que de s’approprier des connaissances et données d’origines variées, à la fois techniques, complexes et pluridisciplinaires, et de construire sur ces bases un dispositif expert bien souvent enrichi par des connaissances profanes (témoignages de victimes par exemple). Dans ce cadre, nous étudions plusieurs cas de procès emblématiques : l’Affaire du siècle, l’affaire Total, l’affaire Grande-Synthe… L’objectif est aussi d’écouter, de faire parler, d’interviewer les différents porteurs de recours, qu’ils soient académiques, jeunes juristes travaillant pour des ONG, simples citoyens ou victimes climatiques. Ce travail a donné lieu à la réalisation d’un cycle de séminaires, mis en ligne sur YouTube, ainsi qu’à la publication d’un ouvrage, intitulé « Experts et expertises et procès climatiques », édité par l’Université d’Aix-Marseille.
 

• Avez-vous déjà eu l’opportunité de travailler avec un laboratoire de droit d’UT Capitole ?

J’ai déjà eu des interactions avec des enseignants de l’IEJUC, comme Carole Hermon, avec qui je travaille actuellement sur un colloque sur la compensation écologique. Et en tant que vice-présidente de la Société française pour la protection de l’environnement Occitanie, j’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs collègues juristes qui travaillent sur la thématique de l’environnement et de les inviter à nous rejoindre. De même, je suis investie dans deux projets AMI actuellement soumis, CLIMACT et PRODEMO.
 

• Envisagez-vous d’autres projets de recherche après Proclimex ?

Oui, je travaille depuis cet été sur un nouveau terrain : la sortie des énergies fossiles. Est-elle crédible en termes de gouvernance et de coopération internationale ? Cette question est en effet de plus en plus présente dans les COP et dans les clubs d’États. On constate aussi que de nombreuses associations portent des recours visant à faire fermer les nouvelles exploitations fossiles ou à inciter les Carbon Majors à changer leur plan de transition. Il s’agit de mon nouveau sujet de prédilection.

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Mis à jour le 19 décembre 2024