Lab #11 : Piernick Pavaldech
Autodidacte, il a développé son talent à travers son attirance pour le spectacle vivant et nous propose de toutes nouvelles formes de clichés. À travers ses réalisations, le jeune photographe illustre des instants éphémères dans lesquels l’auteur apparaît sur sa propre prise de vues.
Aux influences multiples issues à la fois de la peinture, de la vidéo ou du cinéma, cet adepte de la photo numérique et de la liberté offerte par la manipulation d’image nous a fait découvrir son travail à l'occasion de cette exposition au coeur du campus.
Pour promouvoir le travail de Piernick Pavaldech, l'Espace Culturel a fait réaliser un texte critique écrit par le critique d'art et journaliste spécialisé, Didier Marinesque :
Révéler la poésie du monde
La pratique photographique de Piernick Pavaldech est ancrée dans une longue tradition familiale remontant à la fin du 19ème siècle, époque héroïque où ce médium n’était pas encore considéré comme un art à part entière et exigeait une haute et encombrante technicité. Un héritage enrichi par les souvenirs plus incarnés d’un grand-père s’exerçant à la photo documentaire et possédant son propre laboratoire, et qui laissa derrière lui quantité de négatifs non exploités.
Sa première exposition personnelle, intitulée « Photographes, photographiés photographiant » rend hommage de façon symbolique à ce patrimoine intime, le parcours artistique du jeune homme s’étant construit de façon autodidacte, à l’image de ses illustres aïeuls. La série met en valeur les photographes de la scène musicale, théâtrale ou circassienne, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Elle fonctionne comme une mise en abyme destinée à rendre visible ceux qui paradoxalement doivent s’effacer au moment crucial du déclenchement de l’appareil, pour tenter de traduire par des images la communion si particulière qu’il peut y avoir entre le public et les artistes, acmé d’une émotion palpable mais désincarnée.
Affirmant son attirance pour le monde du spectacle vivant et lui-même jouant ce rôle « d’homme en noir » caché derrière l’objectif, Piernick Pavaldech semble nous dire in fine que la poésie du monde nous glisse entre les doigts, mais que l’on peut tout de même saisir cette « part des anges », fut-elle volatile et éphémère. Par-delà ces figures de l’instant le jeu de poupées russes construisant les images provoque un regard distancié et ludique travestissant la simple reproduction de ce qui est, et nous éloigne de l’aspect documentaire tout en questionnant le médium lui-même.
L’univers de Piernick Pavaldech se construit par des influences artistiques dépassant largement le monde de la photographie pour aller puiser dans celui de la peinture (avec notamment l’attrait pour le symboliste Gustav Klimt), de la vidéo ou du cinéma. Maitrisant les nouvelles technologies il travaille uniquement en numérique, ce support permettant d’envisager une totale liberté dans la manipulation des images. Il faut entendre par ce terme galvaudé de « manipulation » un moyen d’exprimer une créativité tous azimuts, la pratique photographique étant convoquée chez lui comme un matériau hétérogène et malléable intégré dans l’univers plus large des arts plastiques.
Artiste contemporain au sens le plus strict du terme sa pratique se construit dans une échoppe d’artisan convoquant Photoshop, Lightroom, l’image animée ou les mixed média. Un Do it yourself (DIY) soutenu par un parcours universitaire lui procurant l’occasion d’approfondir cet éclectisme revendiqué.
« Il ne faut pas voir la réalité telle que je suis » disait Paul Eluard, et cette maxime poétique s’accorde avec l’univers du jeune photographe, dont le tropisme artistique tend vers l’expérimentation et la découverte incessante de nouveaux outils pour tordre le réel, réinventant sans cesse ses modes de représentation.
Didier Marinesque
Février 2015