La brique : Secrets de fabrication
C'est l'un des éléments qui contribue à l'originalité du projet : la brique, qui ornera quasiment toutes les façades du bâtiment. Et pas n'importe laquelle. L'architecte a posé son dévolu sur de la brique traditionnelle, une « foraine » qui ressemble comme une « sœur jumelle » à la brique qui a servi à bâtir la Ville Rose.
C'est en effet ce qui fait la spécificité de cet immense chantier : il « renoue » avec la brique traditionnelle. Sur les façades qui se parent depuis déjà le mois de mai dernier, on peut ainsi apercevoir de la « vraie » brique : la « foraine », d'une taille de 42 cm de longueur par 10 de large, celle des façades originelles de Toulouse que l'architecte et son maître d'ouvrage, UT Capitole, ont préférée à la plaquette, plus fine, pourtant davantage usitée pour les constructions modernes.
La production des briques a été confiée à Terres cuites du Saves (http://terrescuitesdusaves.eu), l'une des très rares briqueteries d'Occitanie qui propose une fabrication traditionnelle selon un processus bien rodé depuis 1993. L'argile, une fois extraite d'une carrière locale, est broyée par étapes successives pour faire passer la granulométrie de 5 cm à 1 mm et mélangée aux autres constituants de la brique, la marne et le sable. Le mélange est ensuite humidifié pour former une pâte homogène mise en forme dans des moules. C'est d'ailleurs la grosse différence avec la plupart des producteurs de briques : ceux-ci la façonnent en effet par extrusion, un procédé qui consiste à pousser la pâte argileuse à travers une filière de géométrie. Après un séchage de 3 à 6 jours, les briques sont empilées dans un four et cuites environ 48 heures à des températures variant de 1030 °C à 1090 °C.
# esthétique # solide # durable
Les avantages de la brique traditionnelle sont d'abord esthétiques : le moulage, dans un cadre métal et bois, sablé et humidifié, permet de reproduire de très près les productions artisanales du passé et de faire ainsi un véritable un clin d'œil aux briques qui ont permis d'édifier jusqu'au début du XXe siècle les ouvrages de la région, de la plus modeste maison jusqu'aux hôtels, basiliques, cathédrales, cloîtres majestueux que l'on retrouve à Toulouse, Albi, Moissac...
On fait aussi « durable ». « Durable » dans le temps, car le processus de fabrication permet de réaliser des briques résistantes au gel et à de très hautes températures. « Durable » aussi parce la production s'inscrit dans un circuit court. Ce qui répond juste à une « logique », commente Denis Bazin, qui a succédé à la tête de la briqueterie aux fondateurs Roger et Jean-Pierre Gelis : « Dans toutes les civilisations, on bâtit avec les matériaux locaux. Autrefois, pour bâtir une maison, que faisait-on ? On creusait des trous et on regardait ce qu'on avait comme matériau. Dans les Pays de la Loire, on construit en pierre parce que, sous les pieds, il y a de la pierre. Ici, à Toulouse, on a de l'argile. Avec de l'argile, on fait quoi ? De la brique ! »
La briqueterie n'en est pas à son premier « défi technologique ». Elle a contribué à la construction de bâtiments contemporains qu'il est difficile de ne pas remarquer. À l'instar de la médiathèque de Toulouse, chantier réalisé avec 400 000 briques et brises soleil de 1 m en terre cuite avec orientation motorisée. Elle a aussi fabriqué les 240 000 briques de l'Îlot Libération, qui accueille, au centre de Balma, une salle polyvalente et des commerces. Et mis au point à cette occasion un coloris nouveau flammé sombre pour retrouver les erreurs de cuissons d'antan. Pour le chantier TSE, elle a aussi créé. Au-delà des « foraines », c'est un « jeu » d'une vingtaine de briques de tailles, formes et couleurs différentes qui permettent de concevoir des façades qui ne se « rencontrent » pas toujours sur des angles droits mais sur des angles davantage fermés, ou encore des murs ajourés, des « claustras » faits de briques percées qui permettent de créer des espaces uniques où la lumière du jour est maître...
Camille Pons
Journaliste