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Découvrez notre interview de Mathias Reynaert, jeune chercheur en économie environnementale

le 12 octobre 2023

Enseignant-chercheur à Toulouse School of Economics depuis huit ans, Mathias Reynaert étudie l’impact des réglementations environnementales sur le marché automobile européen. Rencontre avec ce jeune économiste qui a reçu de nombreux Prix.

• Quel cursus avez-vous suivi pour devenir chercheur en économie ?

J’ai longuement hésité entre un parcours en sciences de l’ingénieur et un autre plus littéraire, en langues ou lettres. Finalement, j'ai opté pour la science politique, qui me semblait être un juste milieu. Mais il me manquait une dimension quantitative. Après trois ans d’études, je me suis réorienté en économie, discipline qui me convenait mieux. C’est une combinaison de mathématiques, de statistiques et de sciences humaines. J’ai donc terminé mon master en économie à Anvers et commencé mon doctorat. J'ai aussi pris des cours en économie industrielle à Louvain, une autre université belge, où j’ai eu la chance de travailler avec le professeur Frank Verboven.
 

• Pourquoi s’être spécialisé en économie industrielle et environnementale ?

L'impact des politiques publiques sur les problèmes environnementaux liés au marché automobile est un sujet complexe auquel je me suis très tôt intéressé. Il existait déjà une grande base de données dans ce domaine et je savais que l’influence des politiques publiques sur les problèmes environnementaux était très importante et qu’elle le serait encore plus dans les années à venir. Le gouvernement prend en effet beaucoup d’initiatives dans le secteur automobile (règles, taxes, impôts spécifiques…).
 

• Pourquoi avoir choisi Toulouse School of Economics ?

TSE est une des meilleures écoles d'économie au monde, notamment dans le domaine de l'économie industrielle, thématique de recherche initiée par le prix Nobel Jean Tirole. C'est très enrichissant de collaborer et d’échanger avec des collègues d’un niveau d’excellence scientifique reconnu. Les sujets varient mais les méthodes de recherche appliquées sont les mêmes. L’approche empirique est de plus en plus développée.
Autre élément très important pour moi : la vision internationale de TSE. Elle permet de nombreux échanges avec des professeurs invités et la participation régulière à des séminaires. C'est un environnement attractif et stimulant dans lequel il est agréable de travailler.
 

• Vos travaux de recherche et vos publications participent activement au débat public. Ont-ils selon vous un impact sur la société ?

Il est très important qu'il y ait une place dans la société pour une recherche sérieuse qui prend le temps d’observer les politiques publiques. Toutefois, le but d’un chercheur n’est pas forcément d’avoir un impact sur la société. Quand on étudie les politiques publiques, on peut soulever des questions, pointer ce qui ne fonctionne pas et expliquer pourquoi. Ce sont des modèles économiques qui donnent matière à réflexion. Nous faisons des études avec beaucoup d’expertise et nous les communiquons au débat public. Mais la réalité politique est si complexe, il y a beaucoup d'éléments que nous ne pouvons pas prendre en compte. Notre tâche n’est pas de changer la société, c’est celle d’un politicien.

Quand on étudie les politiques publiques, on peut soulever des questions, pointer ce qui ne fonctionne pas et expliquer pourquoi. Ce sont des modèles économiques qui donnent matière à réflexion.  

• Quel est l’objectif de votre projet actuel « Spacetime », financé par l’ERC ?

Ce projet, intitulé "Spacetime - Econometric Models to Evaluate Environmental and Spatial Effects of Long-Lasting Policies", a comme objectif de comprendre comment les politiques publiques ont un effet sur la distribution géographique des activités économiques. Il se compose de trois axes sur lesquels je vais travailler dans les 5 prochaines années, avec les co-auteurs qui sont en Europe et aux États-Unis.

La première partie porte sur les subventions allouées à l’agriculture en Europe. 60 milliards d'euros sont versés aux agriculteurs chaque année : il s’agit de la dépense la plus importante de l'Union européenne. Or, là où l’on fait de l'agriculture, il n’y a plus de nature. Mon rôle est donc d’analyser les effets géographiques de ces subventions.

Dans un second temps, je m’intéresse aux politiques publiques qui proposent des aides pour les transports publics ou l’achat d’une voiture. Si le transport est gratuit ou moins onéreux, les populations vont avoir tendance à habiter plus loin de leur lieu de travail. Encore une fois, ces subventions ont un impact sur la distribution géographique des activités économiques.

Le troisième projet étudie les modèles de congestion automobile. Il y a d’importantes externalités. Quand je prends ma voiture le matin, j'ai un effet sur toutes les personnes qui sont derrière moi. Il existe des impôts qui limitent la congestion, mais nous n'avons pas encore de modèle empirique assez stabilisé pour comprendre ce qui motive les automobilistes à faire la queue ou non.
 

• En quoi le financement de l’ERC est-il essentiel pour vos travaux ?

La bourse du Conseil européen de la Recherche (ERC) va me permettre d'attirer chaque année à TSE de jeunes chercheurs en post-doctorat. Je viens par exemple d’accueillir Augusto Ospital, qui a étudié à Los Angeles. Il fait un travail de recherche très intéressant sur les politiques urbaines en Californie, et en particulier sur les subventions pour la construction de maisons. Celles-ci ont pour conséquence l’expansion des villes et de ce fait l’exposition accrue des populations aux risques de feu, de plus en plus élevés dans cette région à cause du réchauffement climatique.
 

Tribunes

Prix et récompenses

  

• Avez-vous l’occasion de collaborer avec des chercheurs d’autres disciplines ?

À TSE, nous travaillons régulièrement avec les chercheurs de l'Institute for Advanced Study qui est multidisciplinaire. Il arrive également que l’on rencontre d’autres chercheurs d’UT Capitole lors d’événements ponctuels, comme récemment au workshop sur la biodiversité où était présent Julien Bétaille, professeur de droit à l’IEJUC (Institut des Études Juridiques de l’Urbanisme, de la Construction et de l’Environnement).
 

• Avez-vous d’autres projets en parallèle de « Spacetime » ?

Non, car le projet « Spacetime » est déjà très vaste. De plus, il y a un sujet d’analyse qui n'était pas envisagé au départ mais qui s’avère finalement très important : c'est le développement de la voiture électrique sur le marché automobile. Nous allons donc étudier ce phénomène qui a des répercussions géographiques et environnementales. En effet, choisir un véhicule électrique a un impact certain sur le marché de l'électricité. Nous voulons comprendre comment les prix et les politiques publiques vont affecter ce choix.
Mis à jour le 14 novembre 2023