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Le lien, ateliers doctoraux interdisciplinaires 2015-2016 coordonnés par les membres IUF de l’Université de Toulouse
le 8 mars 2016
De 14h à 18h
Arsenal
Salle Gabriel Marty
Salle Gabriel Marty
Le « lien » (de ligamen, lui-même issu de ligare) désigne, d’une part, ce qui sert à lier, à attacher un être ou un ensemble ou bien un élément à un autre, d’autre part, la liaison elle-même.
La question que nous poserons, dans nos domaines de recherche respectifs, est double. D’une part, comment décrire la force de cohésion que constitue le lien en ses différentes modalités d’union ou d’opposition corrélative, par exemple, en tant qu’il constitue un principe de production de réalités naturelles, sociales, artistiques, morales ? Et, d’autre part, n’est-elle pas indissociable de son contraire (l’absence de lien, la déliaison, le détachement, l’isolement, la solitude, l’indépendance, la liberté…) ou de ce qui le rend impossible, voire non souhaitable ?
D’un point de vue descriptif, nous est-il possible d’effectuer une typologie des liens dans leurs diverses modalités dans nos champs de recherche et de nous interroger sur leur possible unité ?
En biologie, le lien désigne l’ensemble des interactions étudiées à différentes échelles : moléculaire (liaisons ADN-protéines, hormones-récepteurs, anticorps-antigènes…), sur le plan des interactions entre cellules, organismes, populations et écosystèmes. En variant encore les échelles d’étude, les chimistes étudient les liaisons entre atomes, les physiciens entre les particules d'un même atome. Comment est-il possible de rendre compte du lien comme force d’attraction et de liaison dans les processus de variations, de transformations, de modifications ? Comment est-il possible de rendre compte de cette force d’attraction et de liaison dans le processus de l’évolution et des forces opposées auxquelles elle se heurte ?
Du point de vue artistique, en musique, par exemple, sont appelées liens les barres horizontales ou obliques réunissant plusieurs figures de notes à crochets successives. Quelles sont leurs fonctions du point de vue de la composition d’une œuvre ? En quoi les structures mathématiques constituent-elles un lien fondamental dans l’unité d’une œuvre musicale ?
Qu’en est-il dans les domaines techniques, tels que l’informatique, lorsque le lien désigne, dans un système hypertexte, un moyen de référence vers une source du Web (« lien hypertexte » ou « hyperlien », l’« élément link » étant dans le langage HTML ce qui est propre à établir des liaisons entre les pages Web) ou, dans l’expression « édition des liens » en programmation, une étape de la compilation d’un programme ?
Dans le domaine social au sens large, est-il possible de faire la part entre une approche axiologiquement neutre de la notion de lien et la portée morale qui lui est implicitement conférée ? Du « lien interpersonnel » de la psychologie, qui en amont aborde les relations du point de vue des affects, représentations et statuts, au « lien social » de la sociologie, qui donne lieu à des enquêtes sur le champ plus macrostructurel de la socio-politique, comment est décrite la gamme de relations, de type contractuel le plus souvent, qui est en jeu : « liens familiaux », « liens de sang », « liens du mariage », « liens de parenté », « liens d’amitié », « liens professionnels » ? Quelles questions posent à la fonction attribuée au lien dans le domaine psychologique, moral et social, les formes d’isolement pathologique (autisme…), d’exclusion, d’indépendance, de solitude volontaire ? Dans une perspective historique, quels enjeux la question a-t-elle revêtus dans la réflexion sur l’unité sociale à travers les âges, si l’on pense par exemple à l’importance dans l’humanisme de l’adage venu du droit romain « Les hommes sont liés par les paroles, les bêtes par les cornes » (« Verba ligant homines, cornua funes ») ou encore à l’idée de sociabilité naturelle des Lumières ?
Du point de vue philosophique, le « lien » peut même devenir vecteur d’une vision générale de l’univers. G. Bruno articulait, par exemple, dans son œuvre quasi testamentaire, le De vinculis in genere (1591), pensée abstraite de l’univers et réflexion de nature civile. Bruno Latour, un philosophe contemporain, note que cette notion remet en cause les oppositions entre sujet/objet, actif /passif, aliénation /autonomie, liberté/nécessité, aussi bien dans nos rapports à la « nature » que dans nos rapports aux autres hommes et à la société. En s’appuyant sur les recherches de Benveniste, il fait remarquer que, dans la langue, la forme active comme la forme passive sont incapables de rendre compte de nos attachements. Il s’agit, par conséquent, de rendre compte de ce qui meut les sujets, de leurs émotions et de leurs passions, de se tourner, au-delà des oppositions entre actif et passif inscrites dans la langue, vers ce qui lie ces agents et de saisir aussi ce qui fracture et rompt ces attachements. Pourquoi, si le lien constitue un principe dynamique fondamental de la constitution de la réalité naturelle et sociale, certaines théories philosophiques, spirituelles, religieuses, au sens large, prônent-elles le détachement ? En quoi cette forme de libération des conditions particulières de l’existence constitue-t-elle une liberté ?
Les récents débats sur la famille ont mis en lumière une interrogation ambiguë dans sa formulation et infiniment complexe dans les éléments de réponse qui peuvent lui être apportés : qu’est-ce qui fait famille aujourd’hui ou plus exactement, qu’est-ce qui fonde le « lien familial » ? Alors que l’alliance semble se diluer dans la conjugalité, que la parenté paraît se démultiplier dans la parentalité et qu’apparaissent des liens de « beau-parenté » ou de « quasi-parenté », la question intéresse toutes les disciplines qui traitent de la famille. Elle concerne également le droit tant il est vrai que la reconstruction des règles de la parenté et de l’alliance, qui constitue un des enjeux majeurs du droit contemporain de la famille, lui est intimement liée. Le problème de l’inceste est un excellent révélateur des incertitudes actuelles : qu’est-ce qui aujourd’hui fonde l’inceste, donc le lien de famille source de prohibition ? Au delà, la question est au croisement de toutes les interrogations contemporaines sur la famille et sur son droit, qu’il s’agisse de conjugalité, de parenté, de parentalité ou de solidarités entre générations.
Les récents débats sur la famille ont mis en lumière une interrogation ambiguë dans sa formulation et infiniment complexe dans les éléments de réponse qui peuvent lui être apportés : qu’est-ce qui fait famille aujourd’hui ou plus exactement, qu’est-ce qui fonde le « lien familial » ? Alors que l’alliance semble se diluer dans la conjugalité, que la parenté paraît se démultiplier dans la parentalité et qu’apparaissent des liens de « beau-parenté » ou de « quasi-parenté », la question intéresse toutes les disciplines qui traitent de la famille. Elle concerne également le droit tant il est vrai que la reconstruction des règles de la parenté et de l’alliance, qui constitue un des enjeux majeurs du droit contemporain de la famille, lui est intimement liée. Le problème de l’inceste est un excellent révélateur des incertitudes actuelles : qu’est-ce qui aujourd’hui fonde l’inceste, donc le lien de famille source de prohibition ? Au delà, la question est au croisement de toutes les interrogations contemporaines sur la famille et sur son droit, qu’il s’agisse de conjugalité, de parenté, de parentalité ou de solidarités entre générations.
La thématique encourage donc à se pencher sur les modes de fonctionnement du lien, de façon descriptive, mais elle suscite également des questionnements sur les enjeux qui peuvent être induits.
Ainsi, par exemple, quelle part de nature dans le « lien » ? Est-il agent d’aliénation ou d’autonomie ? Quelles sont les raisons de l’association des hommes entre eux ? Quels types de liens régissent les communautés et autres « réseaux », et qu’est-ce qui donne une consistance à ces derniers ? Liens privés et liens publics sont-ils incompatibles ou au contraire complémentaires ?
Ainsi, par exemple, quelle part de nature dans le « lien » ? Est-il agent d’aliénation ou d’autonomie ? Quelles sont les raisons de l’association des hommes entre eux ? Quels types de liens régissent les communautés et autres « réseaux », et qu’est-ce qui donne une consistance à ces derniers ? Liens privés et liens publics sont-ils incompatibles ou au contraire complémentaires ?
À une époque caractérisée par la multiplication des « liens » – pensons par exemple aux réseaux sociaux et/ou professionnels, tels que Facebook, Linkedin –, en même temps que par la montée de l’individualisme et de l’intérêt, l’étude dans les différents domaines du savoir et des techniques des emplois du terme et de la notion ainsi que des dérivés ou synonymes (« ligature », « liane », « corrélation », « connexion »…) croise nécessairement des interrogations civiles et « politiques » cruciales.
Contact :
Gaëlle LE MERER : irdeic@ut-capitole.fr
Mis à jour le 7 mars 2016
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